Super-héros

Les super-héros naissent dans les comics de bas étages, à la fin des années 30. Ce sont des justiciers masqués, dotés de pouvoirs surhumains, avec un costume et une identité secrète. Ils s’inspirent de personnages mythologiques comme Hercule ou Achille, de héros bibliques comme Moise et Samson mais aussi de héros de roman-feuilletons du XIXème siècle comme Rocambole, Zorro, Fantômas ou Edmond Dantès. Mandrake le magicien et Le Fantôme sont des précurseurs apparus en 1935 et 1936. C’est avec la création de Superman en juin 1938 par Jerry Siegel et Joe Shuster que le genre décolle. La bd est publiée par une jeune maison d’édition promise à un brillant avenir : D.C Comics (elle va aussi bien roulé les créateurs de Superman mais c’est une autre histoire). En 1939 Bob Kane crée Batman pour D.C comics. En 1940, sont lancés Flash Gordon et Green lantern. La même année l’éditeur Timely Comics crée la collection Marvel Comics (elle aussi promise à un brillant avenir) où sont publiés La Torche Humaine et le Capitaine Marvel. En 1941, avec l’entrée des USA dans la seconde guerre mondiale on crée des héros patriotiques comme Captain America ou Wonder Woman.

Le genre est un immense succès et les super-héros les plus populaires voient leurs aventures adaptées en feuilletons radiophoniques et dessins animés. Le cinéma s’en empare vite mais les adapte sous forme de serial, c’est à dire des films de série B à très petits budgets avec des histoires qui se suivent sur une quinzaine d’épisodes et qui finissent (sauf le dernier) sur des cliffhangers . C’est un peu l’ancêtre des mini-séries modernes. Cela commence dès 1939 avec Mandrake le magicien, en 1941 il y a Les Aventures du capitaine Marvel, Batman en 1943, Captain America en 1944 et Superman en 1948. Dans les années 50, l’industrie du comics (c’est devenu une vraie industrie entre temps) a beaucoup de problèmes. Certains accusent les comics d’être ultra-violents, sexualisés et de pousser la jeunesse dans l’immoralité. Il y a à cette époque une montée de la délinquance juvénile aux USA, et les comics sont pour beaucoup de gens les responsables. On accuse même Batman et Robin de pousser à l’homosexualité (et d’être eux-même un couple gay) et Wonder Woman de promouvoir le sado-masochisme. L’Etat menace d’intervenir, les éditeurs s’imposent donc un code d’autocensure : le Comics code Authority. Cela, ajouté à la baisse de popularité des serials, fait que les super-héros disparaissent du grand écran. Le super-héros renaît à la télévision avec Les aventures de Superman diffusé entre 52 et 58. Dans les années 60 il y a la kitschissime série Batman avec Adam West, qui est un vrai succès. Mais le genre n’est toujours pas pris au sérieux.

Cela change en 1978 avec le Superman réalisé par Richard Donner. C’était la première fois qu’un film de super-héros était un film de série A, à gros budget (le plus gros de l’Histoire à l’époque), avec de grands acteurs comme Marlon Brando, Gene Hackman, Margot Kidder etc. Au début, les producteurs voulait faire un film kitsch comme la série Batman. Cependant, Richard Donner a refusé et avec son scénariste, Tom Mankiewicz, en a fait un film sérieux avec des références christiques, en s’inspirant de la théorie du monomythe du narratologue Joseph Campbell. Toujours est-il que le film a été un triomphe absolu avec 300 millions de dollars de recettes et trois nominations aux oscars. Il aura 3 suites dans les années 80. En 1989, le Batman de Tim Burton est un vrai phénomène de société à sa sortie durant l’été. Il faut dire qu’il y a tout un battage médiatique autour du film et surtout énormément de marketing. On a appelé cela la « batmania ». Si le film rapporte l’énorme somme de 411 millions de dollars, les produits dérivés du film en rapportent plus de 750 millions . Le Batman de Burton est non seulement sérieux mais il est très sombre et très adulte, il a aussi une touche artistique qui s’inspire du néo-expressionnisme allemand. Tout cela est très nouveau à l’époque pour un film de super-héros. Ce film influencera beaucoup le genre dans ses thèmes, ses techniques cinématographiques mais aussi ses techniques marketing. En 1992, Burton sort une suite, Batman, le défi , encore plus sombre. Trop sombre cette fois , des parents se plaignent, Mcdonald’s refuse de promouvoir le film via ses happy meals comme ils l’avaient fait pour le premier film. Cette suite ne rapporte donc « que » 266 millions de dollars de recettes. Warner Bros. décide de changer de réalisateur pour les Batman suivants. Le studio choisit Joel Schumacher, qui emmène les films dans une direction plus kitsch et plus infantile. Le sommet de cette stratégie donnera l’affreux (mais non-intentionnellement hilarant) Batman et Robin, sorti en 1997. La Warner avait demandé à Schumacher de rendre le film le plus « toyable » possible. C’est à dire qu’on puisse vendre facilement des jouets tirés du film. Cela a donné un film horrible esthétiquement ,sans parler du scénario, qui n’a rapporté « que » 238 millions. Ce fiasco a fait qu’il n’y a pas eu un autre Batman avant 2005.

En 2000 X-Men est un succès surprise, qui donnera lieu a de nombreuses suites. En 2002 sort Spiderman de Sam Raimi qui rapporte 821 millions de dollars (dont 100 millions dès le premier week-end d’exploitation). Ce succès fait du film de super-héros la nouvelle vache à lait d’Hollywood. En 2003 sortent Daredevil, Hulk, La Ligue des gentlemen extraordinaire. En 2004 il y a Catwoman, The Punisher. En 2005 sortent Batman Begins et Les Quatre fantastiques. En 2008 sort The Dark Knight qui rapporte plus d’1 milliard et devient lui aussi un phénomène de société, ce film est aussi le chouchou de la critique, il vaudra un oscar posthume à Heath Ledger. Il est considéré comme le chef d’oeuvre du film de super-héros. Iron Man sort la même année et est aussi un immense succès, le film ressuscite la carrière de Robert Downey Jr et lance le MCU. Dans les années 2010 la tendance s’accélère avec les reboots de Spiderman et des 4 fantastiques, Captain America, il y a le retour de superman avec Man of steel , Deadpool, Les Avengers qui rapporte 1 milliard et avec les univers étendus la liste n’en finirait pas. On peut voir que de sous-genre mineur et méprisé, le film de super-héros est devenu le genre le plus populaire et le plus prestigieux.

Clichés :

Le traumatisme qui poussera a devenir un justicier:

Il faut donner une sérieuse motivation à un personnage pour qu’il soit crédible qu’ il décide de mettre des collants et d’aller combattre le crime. C’est là qu’intervient le traumatisme. Le super-héros perdra une figure parentale tuée par des petits voyous dans un vol qui a mal tourné. Cela le poussera à combattre le crime, et de façon symbolique, à se venger. L’exemple le plus célèbre de ce cliché est évidemment Batman avec l’assassinat de ses parents sous ses yeux. Il y a aussi l’oncle de Spiderman qui est tué par des voleurs de voitures. Le père d’Iron Man a été tué par le bataillon V, le père de Superman meurt dans la plupart des adaptations cinématographiques, mais le cliché est subverti car il meurt de façon « naturelle ».

À un moment donné le héros devra affronter ce souvenir et ses démons, Batman, dans le film de Burton, tuera le Joker, assassin de ses parents. Spiderman, lui, « pardonnera » à Sandman, le tueur de son oncle. Ce cliché est évité dans Les Quatre Fantastiques ils n’ont aucun traumatismes et combattent le crime par pur bonté d’âme.
youtube https://www.youtube.com/watch?v=MwUMoBgkF-A&w=560&h=315%5D

Une expérience scientifique qui a mal tourné

Il n’y a pas 10 000 façons de donner des super pouvoirs à un personnage, l’expérience scientifique qui tourne mal est la solution qui s’impose pour les auteurs. On le voit avec Peter Parker qui devient Spiderman après avoir été piqué par une araignée radioactive alors qu’il assiste à une expérience scientifique. Les quatre fantastiques ont été exposés a une dose massive de rayons cosmiques lors d’une mission spatiale. Bruce Banner devient Hulk après avoir été touché par des rayons gamma . Ce cliché est évité par Superman qui est un extraterrestre, et les X-men, qui sont des mutants. Il y a aussi Batman qui n’a pas de super-pouvoirs.

Identité secrète

Le super-héros est masqué, il a donc souvent une identité secrète. Son identité héroique est celle d’une personnalité admirée, son identité réelle est souvent celle d’un type lambda, voire d’un looser méprisé. Par exemple, Clark Kent est un petit journaleux introverti, méprisé par sa collègue Lois Lane, pourtant amoureuse de Superman. Peter Parker est un geek timide, victime de harcèlement scolaire et plus tard est « maltraité » par son rédacteur en chef. Il est relégué dans la friendzone par Mary Jane, pourtant amoureuse de Spiderman. Cela crée un plus grand contraste entre les deux identités et donne au fan de comics geek l’impression que lui aussi, il pourrait être un héros. Le super-héros a peur que son identité secrète soit découverte et qu’on s’en prenne à ses proches. Le méchant cherche toujours à connaitre l’identité du super-héros. Ce cliché est évité dans Iron Man où celui-ci révèle ouvertement qui il est, mais aussi dans X-Men où les héros sont des mutants ne pouvant cacher qui ils sont. Il est subverti dans Hancock où le héros éponyme ne sait pas vraiment qui il est, c’est sa petit amie qui gardait ce secret, qui va le lui révéler.

Double maléfique:

De nombreux super-méchants sont des versions maléfiques du super-héros, ils ont les mêmes pouvoirs, ont des costumes qui se ressemblent, le même âge, parfois la même profession, convoitent la même femme etc. Dans Spiderman 3, il y a Venom, lui-aussi est un homme araignée, surnommé le spiderman noir, que tout le monde confond d’ailleurs avec le super-héros. Eddy Brock, celui qui se cache derrière Venom, est comme Peter Parker un journaliste, mais Peter lui a fait perdre son travail et lui a volé sa petite amie, il veut donc se venger. Dans Iron Man il y a Iron Monger, version maléfique d’Iron Man, il a lui aussi une super-armure. Yellowjacket le méchant d’Ant Man ressemble étrangement au héros éponyme. Superman a comme double maléfique Bizarro, un super héros du monde Bizarro, l’inverse du monde réel. Malheureusement Bizarro n’a jamais été représenté au cinéma , seulement dans quelques épisodes de Smallville.

Ces personnages explorent la face sombre des super-pouvoirs, qu’est-ce qui se passerait si ces pouvoirs qui sont tellement bien chez nos héros tombaient entre les mains de mauvaises personnes ? Ces méchants n’étaient pas d’ailleurs pas toujours fondamentalement mauvais à la base, ils se sont parfois juste laisser prendre par l’hubris de leurs nouveaux pouvoirs. Ils sont ce que deviendraient nos héros s’ils n’avaient pas leurs mentors, leurs amis, leurs familles. De plus, mettre ces super-héros et super-méchants face à face crée un effet ying et yang qui plait toujours.

La Fiancé du super-héros prise en otage :

C’est une figure imposée de ce genre de film, la fiancé du héros est enlevée par le méchant qui la tient en otage pour ainsi forcer le héros à venir et se battre/lui tendre un piège/le forcer à faire un choix cornélien. Le super-héros arrive, fait ce qu’il a à faire et sauve sa fiancé. C’est le vieux truc de la demoiselle en détresse, qui semble avoir disparu des autres genres. Ce cliché est subverti dans The Amazing Spiderman 2 où en essayant de sauver Gwen, Spiderman la tue. Dans Iron Man 3 c’est Peppers qui sauve Tony Stark.

Quelques mots de sagesse d’un vieux mentor :

C’est un autre vieux cliché qui dépasse de loin le genre du super-héros et le cinéma lui-même. Ceci dit il est particulièrement sur-utilisé avec les super-héros. Il y a évidemment Alfred, le majordome de Bruce Wayne qui ne cesse de lui donner de bons conseils. Il lui dit notamment qu’il ne faut pas chercher de logique chez le joker, que certaines personnes veulent juste voir le monde bruler. Il y a aussi l’oncle Ben dans Spiderman qui dit cette phrase restée célèbre « Un grand pouvoir implique de grande responsabilités ».

La police/ l’armée est contre le héros :

Les super-héros sont des justiciers, c’est à dire qu’ils maintiennent l’ordre sans passer par les canaux habituels, un peu comme les milices privées. Ils sont juges et jurés autoproclamés lorsqu’ils arrêtent les truands, et parfois bourreaux lorsqu’ils les tuent. Cela ne plait pas aux forces de l’ordre officielles, puisque cette attitude est totalement illégale, celles-ci considèrent les super-héros comme des fous dangereux et font tout pour les arrêter ou les abattre. C’est probablement ce qui se passerait dans la réalité si les super-héros existaient. On le voit dans The Amazing Spiderman 1 et 2 . Même d’un point de vue purement philosophique l’idée de faire justice soi-même ne plait pas à tout le monde, cet aspect est particulièrement bien exploré dans The Dark Knight avec les deux figures du procureur légaliste Harvey Dent et Batman. Mais Dent sera profondément blessé par le meurtre de sa fiancé (qui est aussi l’ancienne petite amie de Batman) et, paradoxalement, voudra se faire justice lui-même. Il tombera dans le coté obscur du justicier en devenant double-face. En réalité le besoin de justicier se fait sentir lorsque les institutions traditionnelles maintenant l’ordre ont échouées ou sont corrompues, c’est ce que veut dire le commissaire Gordon à la fin du film avec sa célèbre réplique « Parce qu’il est le héros que Gotham mérite. Pas celui dont on a besoin aujourd’hui » Cela se voit aussi dans une scène d’Hancock où le héros est appelé sur la scène d’un braquage de banque, son conseiller en com’ lui dit qu’il est plus sain d’avoir l’appui de la police et que, pour créer un climat de confiance il doit les féliciter, leur dire qu’ils ont fait du bon boulot, il répond « S’ils avaient fait du bon boulot pourquoi on m’aurait appeler ? ». Ceci dit nombreux sont les super-héros qui sont en collaboration avec les forces de l’ordre comme par exemple les Avengers.

Tu ne tueras point :

Le super-héros ne doit pas tuer. C’est l’une des grandes règles non dites du genre. Le méchant doit néanmoins mourir, alors il se détruira lui-même. Ce cliché existe parce que le super-héros se doit d’être un exemple moral surtout que le genre s’adresse, à la base, aux enfants. Il est devenu une figure imposée au moment du règne de la Comics code authority. De plus cela évite un peu le côté juge, juré et bourreau dont je parlais plus haut. Cet aspect existe dans la quasi-totalité des films, je vais donc parler des contre-exemples : ce cliché est évité dans les Batman de Tim Burton où le super-héros tue ses ennemis à tour de bras. Cela a beaucoup été reproché au réalisateur. Le cliché est subverti dans The Dark Knight, Batman refuse de tuer le Joker mais ce n’est pas une solution, parce que le joker dit que leur petit affrontement n’aura jamais de fin car Batman ne veut pas l’abattre et le joker ne veut pas le tuer non plus, car il « s’éclate » bien trop avec lui.

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