Mélodrame

 

Le mélodrame a très mauvaise presse, le mot même est devenu péjoratif, on l’accuse d’en faire trop, d’être tire-larmes (mais à ce moment là autant dire que les comédies sont tire-rires ou que les films d’horreur sont tire-peur). Pourtant c’est l’un des genres les plus populaires. Les plus grands succès publics et critiques du cinéma sont des mélos par exemple Autant en emporte le vent (le film le plus populaire de tous les temps) Titanic (un des quelques films à avoir cumulé le statut du plus grand succès de l’Histoire et de film le plus oscarisé avec 11 statuettes), Le Docteur Jivago, Le Patient anglais, Out of Africa, Casablanca (qui a été nommé meilleur scénario de l’Histoire du cinéma par la guilde des scénaristes américains) etc. C’est un de ces genres qui a toujours existé et existera tant qu’il y aura du cinéma (et oui encore un).

Je l’ai mis dans la catégorie romantique car les mélos mettent très souvent en scène des histoires d’amour compliquées (c’est le cas de 98 % d’entre eux) mais il existe des mélos sans histoire d’amour. Le mélodrame cinématographique descend du mélodrame théâtral inventé à la fin du XIXème siècle et héritier du drame bourgeois et du théâtre de foire. C’était un genre populaire qui réunissait action théâtrale et musique d’où son nom qui vient du grec mélos= musique drama= action, ce qui en fait un ancêtre du cinéma dans son ensemble. Il accentuait les effets de pathétique, mettait en scène une succession de malheurs avec des sentiments et des émotions exacerbées il y avait  un certain manichéisme et peu de souci de vraisemblance.

Le cinéma a repris beaucoup de ces aspects, l’un des premiers maitres du genre est David Wark Griffith, le grand réalisateur du muet, avec Naissance d’une nation , Le Lys brisé, Les Deux orphelines, Way down east. Les films de Chaplin avaient beaucoup d’aspects mélodramatiques on le voit dans The Kid ou L’Opinion publique. Autant en emporte le vent sort en 1939, c’est le mélo le plus célèbre de l’Histoire .  Dans les années 50 sortent les chefs d’oeuvre de Douglas Sirk comme Tout ce que le ciel permet, Ecrit sur du vent, Le Temps d’aimer et le temps de mourir, et le très beau Mirage de la vie. Ces films reprenaient l’esthétique du mélodrame (kitsch, outrance visuelle ,partition musicale omniprésente) mais abordaient aussi des problèmes sociaux sérieux, l’envers de l’american way of life , on y parlait de la place des femmes, des conflits de classe, du racisme et de la ségrégation raciale en vigueur à l’époque etc… A la meme époque en Italie Visconti réalise Senso. En 59 Leo McCarey sort  Elle et lui . En 1965 sort Le Docteur Jivago de David Lean.

Le genre est moins présent dans les années 70-80. Il y a malgré tout Love story en 1970, les films de Rainer Wainer Fassbinder comme Tous les autres s’appellent Ali et  Lili Marleen ou encore Out of Africa de Sydney Pollack. Le genre fait un comeback dans les années 90 avec La Leçon de piano de Jane Campion, Adieu ma concubine de Chen Kaige, Sur la route de Madison de Clint Eastwood, Le Patient anglais d’Anthony Minghella et  Titanic de James Cameron. Dans les années 2000 il y a DevdasPearl HarborLoin du paradis (un hommage à Douglas Sirk) Angel de François Ozon et Nos étoiles contraires.

Clichés :

Histoire d’amour impossible :

C’est l’histoire de base de l’immense majorité des mélodrames , je dirais même que ce concept est leur colonne vertébrale. Le public a toujours eu et aura toujours de la sympathie pour les couples qui souffrent à cause de leur amour et que la société ou leur entourage veut séparer pour des raisons idiotes. Les exemples sont légion et trop nombreux  pour être cités ici. Je vais donc parler de ceux qui ont évité ou subverti ce cliché.

Par exemple dans Autant en emporte le vent l’histoire d’amour n’est pas impossible au sens où on l’entend de façon courante. Scarlett O’Hara et Rhett Butler auraient pu facilement se marier(ils le font d’ailleurs) même si Rhett a mauvaise réputation. Ils ne sont pas séparés, comme c’est souvent le cas dans ces films, par la classe sociale, la race, la religion, une guerre ( il y en a une mais ils sont dans le même camp) une haine familiale ancestrale ou le fait que l’un d’eux soit déjà marié . Leur histoire est rendue impossible d’abord par l’aveuglement de Scarlett persuadée d’être amoureuse d’Ashley Wilkes, puis par le fait qu’elle est tellement difficile à vivre et enfin par la mort de leur enfant. Scarlett se rendra compte à quel point elle aimait Rhett quand il sera trop tard.

Il n’y a pas d’histoire d’amour à proprement parler dans Mirage de la vie (Imitation of life) enfin si, une intrigue secondaire, mais ce que le public a retenu  c’est surtout l’histoire d’Annie Johnson et de sa fille Sarah Jane Johnson. En effet Sarah est une métisse très claire qui peut passer pour blanche, hors dans l’Amérique de 1959 elle comprend que ça lui rendrait la vie plus facile. Elle décide donc de renier sa mère noire et de partir faire sa vie en tant que blanche. Sa mère la suit de loin, ne pouvant se passer de son enfant. Elle finira par mourir de chagrin à cause de cette séparation.

 

 

Baiser sous la pluie:

Autre grand cliché du cinéma romantique, le baiser sous la pluie est quasiment une figure imposée. Il a souvent été moqué et parodié mais il reste efficace. Qu’est-ce qu’il fait qu’un baiser ou plus généralement une scène romantique est plus belle sous la pluie ? Je ne saurais l’expliquer mais c’est le cas. Dans la réalité les gens s’embrassent rarement sous la pluie, c’est peut-être pour montrer que la passion est tellement forte que les amoureux font fi des intempéries. L’un des baisers sous la pluie les plus iconiques est celui de N’oublie jamais (The Notebook).

 

 

Piano, violons et autres musiques larmoyantes:

Le mélodrame étant à la base un drame en musique, c’est attendu. Mais la musique de mélo est particulièrement présente et elle est orchestrale. On utilise généralement une musique douce et triste faite avec du piano ou des violons, rarement du djembé ou de la guitare électrique. D’ailleurs on en a tiré l’expression « sortez les violons » quand quelqu’un raconte une histoire triste. La musique est là pour exacerber les émotions du spectateur. Beaucoup de musiques de film célèbres sont des musiques de mélo car c’est un élément crucial de ce genre. On le voit avec la musique d’Autant en emporte le vent ou celle de Titanic (qui reste celle qui s’est le mieux vendue de tous les temps).

 

 

Contexte historique dramatique:

De nombreux mélodrames ont une toile de fond historique. C’est généralement des moments spectaculaires et dramatiques de l’Histoire. Au début les personnages ont leurs histoires d’amour compliquées et un évènement historique dramatique vient en rajouter une couche. On le voit dans Autant en emporte le vent avec la guerre de Sécession et la destruction du vieux sud . Dans Le Docteur Jivago il y a la première guerre mondiale, la révolution russe, la guerre civile russe, la grande famine de 1921 et les débuts du stalinisme (la Russie a vraiment morflé à cette époque). Il y a aussi Le Patient anglais avec la seconde guerre mondiale et Titanic avec le fameux naufrage.

Certains mélodrames subvertissent ce cliché en mettant en scène une histoire au long cours et les changements de mentalités qui se sont passés sur le long terme. Ces films prennent parfois l’allure de véritable sagas familiales et se passent sur des décennies. On le voit avec Géant de George Stevens qui raconte l’histoire du Texas des années 20 aux années 50 avec le passage d’une économie dominée par l’élevage à une économie basée sur le pétrole.

Bon dit comme ça, ça n’est pas très mélodramatique en réalité cet aspect est inséré dans l’histoire d’amour: Jett Rink est un domestique qui travaille pour Tony Benedict, un riche et grand éleveur qui le méprise. Il est amoureux de Leslie, la femme de celui-ci, mais il sait qu’il n’a rien à lui offrir. Un jour, il hérite d’un tout petit lopin de terre, y trouve du pétrole, devient riche et rachète les terres de son ancien patron acculé. Désormais riche, il essaye de séduire Leslie, mais elle aime son mari. Il essaiera de séduire leur fille mais celle-ci le rejettera à son tour. Son argent ne lui a pas apporté le bonheur et il finit alcoolique.

Les Oiseaux se cachent pour mourir se passe dans l’Outback australien entre 1915 et 1969, c’est une histoire d’amour entre une propriétaire terrienne et un  prêtre. On voit les changements au sein de la société australienne et de l’Eglise.

 

 

Fin tragique:

C’est le fin de très nombreux mélos, ils finissent soit avec la mort d’un des amoureux, soit celle des deux ou alors des adieux déchirants. Les quelques contre exemples sont Elle et Lui, Tout ce que le ciel permet, Les Deux orphelines, Way down east et Naissance d’une nation qui finissent en happy end, Tous les autres s’appellent Ali a une fin qui est douce-amère.

 

 

Innocence persécutée :

C’est un vieux cliché qui a moins cours aujourd’hui mais, qui est un des plus anciens du mélodrame. C’est une personne parfaitement pure, toujours une jolie jeune femme, qui est maltraitée et persécutée par un monstre, toujours un homme plus âgé et très laid. Un beau jeune homme la secourra (où en tout cas essayera).

On le voit dans Le Lys brisé de Griffith où l’héroïne est battue par son père alcoolique, il la maltraite encore plus lorsqu’il apprend son histoire d’amour avec un asiatique, il finit d’ailleurs par la tuer. Dans Way down east, encore de Griffith ( D.W Griffith adorait ce cliché), Anna, une jeune fille naïve est séduite par un  gosse de riche qui la met enceinte et l’abandonne. Le bébé meurt et Anna refait sa vie dans une autre ville, tombe amoureuse et a une nouvelle relation. Cependant Dan, le gosse de riche, vient dans la ville et  raconte à tout le monde qu’Anna a eu un enfant hors mariage (sans dire que c’est le sien bien sur), ce qui est grave en 1920.

Son nouveau mec, et avec lui toute la ville, la rejettent. Anna est obligé de fuir à pied, elle est prise dans une tempête de neige, elle est sur le point de mourir mais son nouveau mec, pris de remord de l’avoir rejeté (surtout qu’il a entre temps appris que c’est Dan qui l’a mise enceinte) viens la sauver. Ils se marient et ils « vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants« .

 

 

Le viol  :

Le viol ou le risque de viol est souvent utilisé dans ce genre d’histoire pour créer du pathos ou du suspense.  Ce procédé manque un peu de tact mais en même temps il vient du fait que les gens admettent que le viol est l’une des pires chose qu’il puisse arriver à quelqu’un.

Toute l’histoire de Naissance d’une Nation tourne autour de cela. Dans l’Amérique de l’après guerre de Sécession, les méchants esclaves noirs affranchis  veulent profiter de leur liberté pour violer leurs gentilles et pures ex-maîtresses blanches. Notamment un personnage appelé Gus, qui demande la sœur du héros en mariage, celle-ci s’enfuit, il la poursuit, et elle préfère sauter d’une falaise que de se donner à un nègre. Le héros du film suite à ce drame, aura l’idée de créer le Ku Klux Klan pour venger sa sœur( oui, oui, les héros du film sont des mecs du Ku Klux Klan, il faut dire que Griffith avait un avis bien à lui sur les questions raciales). Dans Le Docteur Jivago Lara est régulièrement violée par le compagnon de sa mère.

https//www.youtube.com/watch?v=UYCaob7MDA8&w=560&h=315]

Super long:

Les mélodrames sont aussi célèbres pour leur longue durée, Autant en emporte le vent dure plus de 4 heures, Titanic dure 3 heures et demi tout comme Le Docteur Jivago et Géant. Le Patient anglais dure 2 heures 42. La plupart des films de Bollywood (en tous cas jusqu’à récemment) sont des mélodrames et ils durent généralement plus de 3 heures par exemple Devdas de Sanjay Leela Bhansali dure 3 heures cinq.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire